Venezuela indestructible

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Photo d'une raffinerie de pétrole au Venezuela - Christophe MOEC

Photographie de paysage industriel, représentant des puits de pétrole et des torchères de rejet de gaz fourni par le gisement, à Jusepín, municipalité de Maturín, au Venezuela. Cette région située au nord de l’État de Monagas, est l’une des zones pétrolières les plus importantes du Venezuela, où l’on extrait le précieux pétrole brut léger et moyen.

Selon les derniers chiffres certifiés par BP en 2015, avec ses réserves de pétrole (notamment ses gisements de pétrole brut extra-lourd de l’Orénoque), le Venezuela se classe au 1er rang mondial devant l’Arabie Saoudite. Autrefois puissant moteur de l’activité économique vénézuélienne, ces raffineries de pétrole sont aujourd’hui l’incarnation d’une série d’infortunes qui s’abattent inexorablement sur le Venezuela. En effet, depuis l’effondrement du cours de l’or noir en 2014, la nation vénézuélienne implose et agonise.

Il est cependant regrettable que ce pays – qui possède par ailleurs de très nombreux atouts (pas seulement en termes de ressources naturelles) – n’ait pas réussi à sortir de la monoculture du pétrole. L’intellectuel vénézuélien, Arturo Uslar Pietri, exhortait déjà dès 1936 les dirigeants de son pays à la nécessaire diversification et à l’investissement de la manne pétrolière : « Nous sommes un pays pétrolier, l’un des pays pétroliers les plus importants au monde, mais nous ne voulons pas, nous pouvons et nous ne devrions pas nous résigner à n’être rien de plus qu’un pays pétrolier ».

Au travers de son expression « sembrar petróleo », l’écrivain né à Caracas, alerte en effet sur l’importance stratégique de « semer » ou « propager » les revenus transitoires du pétrole, pour le convertir en d’autres richesses reproductrices et permanentes, comme l’agriculture, l’éducation, la santé, les infrastructures, les services publics, les usines, etc.

Conséquence de la crise économique et de l’hyperinflation, le Venezuela a connu un exode sans précédent d’ingénieurs en pétrochimie, laissant les raffineries quasiment inopérantes, vétustes et dangereuses. Selon Iván Freites, Secrétaire du syndicat des travailleurs du pétrole, un employé de 25 ans d’expérience de la PDVSA (la compagnie pétrolière appartenant à l’État vénézuélien), perçoit désormais un salaire mensuel de 3 à 4 dollars.

Le Venezuela, anciennement cinquième exportateur mondial de pétrole, voit aujourd’hui sa production de pétrole tomber à un niveau comparable à celui de 1950. Et malgré une hausse du prix du pétrole Brent en 2018, le Venezuela ne semble plus en capacité de relancer sa production.

Le 13 avril 2018, Nicolás Maduro a nommé le général Manuel Quevedo, Ministre du pouvoir populaire du pétrole et Président de PDVSA, dans le but de redéployer l’industrie du pétrole si affaiblie. Mais les méthodes employées par le gouvernement au pouvoir, avec l’arrestation de nombreux dirigeants de la PDVSA soupçonnés de corruption, ainsi que les opposants réprimés ou assassinés dans la rue, et maintenant l’arrivée des militaires à la tête de la filière, risquent de ruiner toutes les chances d’attirer des éventuelles entreprises partenaires et de la main d’œuvre qualifiée…

Vendredi 6 juillet 2018, un incident s’est produit dans l’usine de raffinerie de Jusepín appartenant à la PDVSA. Ce jour-là, suite à de fortes pluies et à un dispositif de sécurité inefficace faute de maintenance, du pétrole s’est infiltré dans l’affluent d’un puit résiduel de l’usine secondaire de récupération car le système de drainage s’est effondré. Ensuite, le pétrole s’est déversé dans le fleuve Guarapiche. On estime à environ 1 000 barils de pétrole qui ont ainsi contaminé la principale source d’eau potable de Maturín. 70 % de la population (soit environ 420 000 personnes), sont restés privés d’eau pendant 6 semaines jusqu’à la fin des travaux de nettoyage et la remise en service de la station d’épuration.

Durant tout ce temps, l’État a acheminé des camion-citernes à eau aux habitants de Maturín. Malheureusement, tous ne pouvaient en bénéficier étant donné l’ampleur des besoins. Il y a donc eu des mouvements de protestation dans les rues. Cela, d’autant plus qu’une précédente marée noire était déjà survenue en 2012 à Jusepín, d’une plus grande ampleur encore (100 000 barils de brut, suite à une réaction tardive des autorités), privant la population d’eau pendant plusieurs mois…

Cette situation est d’autant plus tragique qu’elle semble irrémédiable, compte tenu des dettes extérieures qui pèsent sur le Venezuela et de la dictature menée par Nicolás Maduro. Plus de deux millions de vénézuéliens ont déjà quitté le pays en ruine.

En novembre 2016, Nicolás Maduro a lancé une campagne de communication autour du slogan « Venezuela tiene un corazón Indestructible » (le Venezuela a un cœur indestructible), visant à affirmer la souveraineté du pays.

En mai 2018, Nicolás Maduro a été réélu à la présidence du Venezuela, mais le climat de répression politique n’a pas permis un processus électoral légitime et transparent. Toujours est-il que Nicolás Maduro entend bien poursuivre la révolution bolivarienne et lutter contre l’économie « criminelle » et « pernicieuse », en référence à l’embargo de pétrole vénézuélien par les Etats-Unis et aux blocus financiers internationaux allant à l’encontre du Venezuela et de sa politique.

En dépit de la crise humanitaire et de la crise sanitaire, le peuple vénézuélien en détresse lutte et survit comme il le peut. Les réfugiés en provenance du Venezuela inquiètent les pays qui sont le plus exposés (Equateur, Pérou, Colombie, Chili, Brésil…). L’Organisation des Nations unies (ONU) a dénoncé les violations des droits de l’Homme au Venezuela, mais jusqu’à présent, Nicolás Maduro semble toujours inébranlable.

Ci-dessous, photographie de la campagne de communication lancée par Nicolás Maduro autour du slogan « Venezuela tiene un corazón Indestructible » (le Venezuela a un cœur indestructible), visant à affirmer la souveraineté du pays.

Campagne de communication lancée par Nicolás Maduro autour du slogan « Venezuela tiene un corazón Indestructible ».