Hôpital de Maturín théâtre de la corruption
Photographie prise à l’Hôpital Centre de Maturín au Venezuela, en décembre 2017. Je me suis rendu dans cet hôpital public de la capitale de l’État de Monagas en compagnie d’Alexander (voir mon reportage : « De Punta de Mata à Lima, chronique d’un exil »). Originaire de Punta de Mata, situé à 50 kilomètres de Maturín, Alexander voulait rendre visite à sa tante avant de partir émigrer au Pérou.
La tante d’Alexander s’est blessée en ouvrant une boîte de sardine. Elle avait un bandage autour du bras ce jour-là. Elle était au rez-de-chaussée de l’hôpital, sur un lit roulant dans une partie commune. Son cas n’était pas préoccupant à en juger de la situation environnante. Quelques jours plus tard, la tante d’Alexander est rentrée chez elle. Mais elle y est vite retournée car étant diabétique, en l’absence d’antibiotiques, la plaie infectieuse s’est aggravée de façon dramatique. Quinze jours après avoir vu sa tante, en arrivant à Lima, Alexander a appris son décès.
Fait, malheureusement, ordinaire, depuis la crise économique que traverse le Venezuela. En mai 2017, Douglas León Natera, président de la Fédération Médicale Vénézuélienne (FMV), a ainsi déploré que sur les 300 hôpitaux publics que compte le Venezuela, seul 3 % disposent de fournitures médicales requises à la prise en charge des patients ! Certains observateurs comparent une telle situation à celle d’un champ de bataille…
A la pénurie des moyens et des équipements sanitaires basiques, s’ajoute également l’avarie des services publics comme l’eau et l’électricité, dont les conséquences sont dévastatrices pour les patients vulnérables. Selon une étude menée par l’Assemblée nationale contrôlée par l’opposition, 79 % des hôpitaux connaissent un déficit d’alimentation en eau courante.
(Quand j’étais à Caracas, ville de presque 2 millions d’habitants, je ne comprenais pas comment il pouvait y avoir des coupures d’eau, allant parfois jusqu’à plusieurs jours et obligeant les gens à installer leur propre réservoir d’eau chez eux pour le stockage. J’ai donc cherché l’explication. J’ai trouvé différentes hypothèses :
- la version officielle, qui émanerait du gouvernement du président Nicolás Maduro, explique que la sécheresse serait la conséquence directe de l’ouragan El Niño qui s’est produit en mars 2016 ;
- une autre version affirmerait, quant à elle, que ces coupures d’eau sont la conséquence d’un défaut d’entretien généralisée de toutes les structures d’État – c’est d’ailleurs assez manifeste et cela concerne également les raffineries de pétrole ;
- enfin, une autre version avancerait l’idée selon laquelle, l’exploitation des mines de diamants dans la zone de la réserve d’eau du barrage électrique el Guri qui alimente Caracas, serait la principale raison des coupures, car l’eau serait détournée et utilisée pour faire un maximum de profits au détriment de la population).
Dans la photo ici, les deux personnes n’ont aucun lien avec Alexander. Je l’ai prise dans un étage de l’hôpital. Je ne connais donc pas leur histoire. J’imagine qu’il s’agit d’une fille et de sa mère. Il y avait à droite le mari et le petit-fils a priori. Tout ce que je sais, c’est que peu de temps après mon passage, en janvier 2018, des faits cyniques sont venus s’ajouter au drame de cette situation générale. En effet, le directeur de l’hôpital de Maturín, ainsi que quelques complices, ont été arrêtés pour vol et détournement de médicaments à des fins de trafic et d’enrichissement personnel…
Des faits loin d’être anodins, puisqu’il s’agit de 185 900 médicaments !
Que faire, quand la corruption est devenue un paradigme ?