Cas de conscience

Accueil » Planche-contact » Cas de conscience
Planche contact du Brésil commentée par Christophe MOEC

Ce jour-là, je photographie une personne dans son salon au Brésil. F. souffre des jambes, atteint par la gangrène, il ne peut plus se mouvoir seul. À un moment, je quitte son salon pour aller découvrir sa chambre (photos 30 et 31), j’ai dans l’idée de réaliser un portrait de F. dans cette pièce un autre jour, je veux donc repérer la lumière, le décor, l’espace… Quand je reviens dans le salon, une troisième personne que je ne connais pas est dans la pièce ! Tous deux se connaissent visiblement (photo 32). L’inconnu s’approche alors de F. et lui met de la « coke » dans la main (photo 33). Je photographie la scène quand tout à coup l’inconnu se tourne vers moi fixement (photo 35) l’air de dire menaçant : « range ton appareil maintenant, sinon cela va mal se passer ». J’ai un moment d’hésitation. Le cerveau en effervescence, je me livre aux réflexions suivantes : c’est la fin de mon film, je ne suis pas certain d’être en mesure de pouvoir prendre ne serait-ce qu’un autre cliché, donc si je déclenche (ou cherche à le faire en vain), je risque une altercation avec cet homme ; je m’interroge aussi sur l’intérêt documentaire de la scène scabreuse à laquelle j’assiste ; et en même temps, j’entends ma voix intérieure me dire « si tu ne prends pas cette photo Christophe, tu le regretteras ». À la fin de ce raisonnement éclair d’une fraction de seconde, l’inconnu retourne s’asseoir sur le divan, je vois F. porter la paume de sa main à son nez et je prends l’image fatidique (photo 36).

Voir le portrait de F. que j’ai pris dans sa chambre un autre jour publié sous le titre : En veste de survêtement.